Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 10.djvu/449

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l'unique but de détourner au profit de ses plaisirs les subsides du parlement.

Les malheureux cavaliers, ces royalistes qui avaient tout sacrifié à la cause des Stuarts, oubliés maintenant, languissaient dans la misère ; les têtes rondes jouissaient des biens et des honneurs qu'ils avaient acquis en s'armant contre la famille légitime. Waller, conspirateur poltron sous le long parlement, poète adulateur de l'usurpation heureuse, faisait les délices de la légitimité restaurée, tandis que le fidèle et courageux Butter mourait de faim. Charles savait pourtant par coeur et se plaisait à répéter les vers d' Hudibras . Cette satire pleine de verve contre les personnages de la révolution charmait une cour où brillaient la débauche de Rochester et la grâce de Grammont : le ridicule était une espèce de vengeance tout à fait à l'usage des courtisans. Au surplus, les républiques sont-elles plus reconnaissantes que les monarchies ? Charles II a-t-il oublié ses amis plus que ne l'ont fait les autres rois ? Il y a des infirmités qui appartiennent aux couronnes, quels que soient d'ailleurs les qualités et les défauts des hommes couronnés. « Entrez dans la basse-cour du château (de Henri IV), » dit l'ingénieuse duchesse de Rohan dans son apologie ironique, « vous oyrez des officiers crier : Il y a vingt-cinq ou trente ans que je fais service au roi sans pouvoir être payé de mes gages : en voilà un qui lui faisait la guerre il n'y a que trois jours, qui vient de recevoir une telle gratification . Montez les degrés, entrez jusque dans son antichambre, vous oyrez les gentilshommes qui diront : Quelle espérance y a-t-il à servir ce prince ? j'ai mis ma vie tant de fois pour son service, j'ai été blessé, j'ai été prisonnier, j'y ai perdu mon fils, mon frère ou mon parent ; au partir de , il ne me connaît plus, il me rabroue si je lui demande la moindre récompense... Tout beau, messieurs, aurez-vous tantôt tout dit ? Ecoutez-moi un peu à mon tour ; sachez que ce prince est doué de vertus surnaturelles ; il dit en bon langage : Mes amis, offensez-moi, je vous aimerai ; servez-moi, je vous haïrai ... O valeureux prince, et généreux courage, qui ne se rend qu'aux généreux, qui ne se laisse forcer que par la seule force ! »

Quelques souvenirs, quelques ambitions privées, quelques rêveries, particulières à des esprits faux qui s'imaginaient pouvoir faire revivre le passé, fermentèrent dans un coin, sous la protection de Jacques, alors duc d'York et catholique de religion. Ces ambitions, ces rêveries ces souvenirs pris mal à propos pour une opinion possible ou applicable, donnèrent à la nation la crainte d'un règne opposé au culte établi et à la liberté des peuples. La correspondance diplomatique nous apprend le rôle odieux que joua Louis XIV alors, et la funeste influence