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l'auteur dernier pamphlet. Dans une dédicace ironique adressée à Son Altesse Olivier Cromwell . Titus invitait Son Altesse à mourir pour le bonheur et la délivrance des Anglais ; il lui disait que sa mort était le voeu général, la prière commune de tous les partis, qui ne s'entendaient que sur ce point. Titus signait W. A., de présent votre esclave et vassal.

Enfin, la famille de Cromwell était pour lui un autre sujet de tourment et d'angoisse.

Il rencontrait parmi les siens deux espèces d'oppositions, aussi violentes l'une que l'autre : ses trois soeurs épousèrent trois hommes qui tous trois votèrent la mort de Charles Ier. Il eut deux fils et quatre filles. Richard, Protecteur après lui, était royaliste ; Henry, lord lieutenant d'Irlande, partageait une partie des talents et des opinions de son père, mais avec plus de modération que lui.

Sa fille aînée, lady Briget, était républicaine ; elle fut mariée d'abord au fameux Ireton, et après la mort de celui-ci au lieutenant général Fleetwood. Lady Elisabeth, sa seconde fille et sa fille chérie, avait épousé lord Claypole, homme ennemi de la tyrannie : lady Elisabeth était ardente royaliste.

Lady Marie, dont l'opinion est peu connue, épousa lord Falconbridge, qui fut actif dans la restauration. Enfin lady Francis, la plus jeune des filles du Protecteur, se maria clandestinement, en apparence, à Robert Rich, petit-fils du comte de Warwick. Robert ne vécut que trois mois, et sa veuve épousa sir John Russell.

La destinée de cette dernière fille de Cromwell fut assez singulière. Lord Broghill avait eu la pensée de la donner en mariage à Charles II. Lady Francis consentait à cet étrange projet ; Cromwell, assez tenté, ne le repoussait qu'en disant : « Charles II est trop damnablement débauché pour me pardonner la mort de son père. » Il est difficile de juger si Charles n'aurait pas, par politique ou par légèreté, approuvé cette union parricide. L'affaire manqua ; lady Francis s'éprit d'inclination pour Jerry White, tout à la fois chapelain et bouffon de Cromwell, lequel White, surpris aux genoux de lady Francis par le Protecteur, fut obligé, pour se sauver, d'épouser une des femmes de chambre de sa maîtresse. Le mariage, d'abord clandestin, de lady Francis avec Robert Rich, fut ensuite célébré publiquement (11 novembre 1657). Le Protecteur, se souvenant, à ce mariage, des jeux de sa première jeunesse, arracha la perruque de son gendre, et répandit des confitures liquides sur les robes des femmes : du moins cette fois on put rester dans la salle du bal.

Ainsi Cromwell dans sa famille trouvait tantôt des républicains et