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et madame de charrière.

par sa famille, il repart en novembre pour cet éternel Brunswick. Arrêté à la frontière allemande par les opérations militaires, il est heureux d’un prétexte et s’en revient. Il ne se remet en route pour l’Allemagne qu’en avril 1794, et arrive encore une fois à sa destination ; mais cette condition de domesticité princière lui est devenue trop insupportable, il jette sa clef de chambellan, et le voilà décidément libre et de retour à Lausanne dans l’été de cette même année. C’est durant ce dernier séjour seulement, le 19 septembre, qu’il rencontre pour la première fois madame de Staël, ou du moins qu’il fait connaissance avec elle. Il avait conçu quelques préventions contre sa personne, contre son genre d’esprit, et obéissait en cela aux suggestions de madame de Charrière, qui était alors en froid avec l’ambassadrice, comme elle l’appelait[1]. Une lettre de Benjamin Constant à madame de Charrière, publiée par la Revue Suisse[2], a donné le récit de cette première rencontre, de ces premiers entretiens ; il ne s’y montre pas encore revenu de ses impressions antérieures : « 30 septembre 1794… Mon voyage de Coppet a assez bien réussi. Je n’y ai pas trouvé madame de Staël, mais l’ai rattrapée en route, me suis mis dans

    par le malade vous entendez la royauté, le clergé, la noblesse, les riches, je crois bien que l’émétique de Ferrand peut seul les tirer d’affaire ; mais je ne suis pas fâché qu’il n’y ait pas d’émétique à avoir. Je ne sais pas quel est le plan de Mallet. Peut-être est-ce ma faute. Je sais qu’en détail il conseille une annonce de modération, fût-ce, dit-il, par prudence ! mots qui ont un grand sens. mais qui certes ne sont pas prudents. Enfin je désire que Mallet et Ferrand, Ferrand et Mallet, soient oubliés, la Convention bientôt détruite, et la république paisible. Si alors de nouveaux Marat, Robespierre, etc., etc., viennent la troubler et qu’ils ne soient pas aussi tôt écrasés qu’aperçus, j’abandonne l’humanité et j’abjure le nom d’homme. »

  1. Nous donnons ci-après quelques lettres tout aimables de madame de Staël à madame de Charrière, qui prouvent bien que la froideur entre elles deux vint d'un seul côté.
  2. N° du 15 mars 1844.