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dans le miroir, je me dis, non pas : « Ah ! James Boswell »[1] mais : « Ah ! Benjamin, Benjamin Constant ! » Ma famille me gronderait bien d’avoir oublié le de et le Rebecque ; mais je les vendrais à présent three pence a piece. Adieu, madame.

Constant. »

« P. S. Répondez-moi quelques mots, je vous prie. J’espère que je pourrai encore afford to pay le port de vos lettres. Adressez-les comme ci-dessous, mot à mot :

H. B. CONSTANT, esq.
 » LONDON.
 » To be left at the post office
 » till called for. »


Chesterford, ce 22 juillet 1787.

« Vous aurez bien deviné, madame, au ton de ma précédente lettre (elle manque), que mon séjour à Patterdale était une plaisanterie ; mais ce qui n’en est pas une, c’est la situation où je suis actuellement, dans une petite cabane, dans un petit village, avec un chien et deux chemises. J’ai reçu des lettres de mon père, qui me presse de revenir, et je le rejoindrai dans peu. Mais je suis déterminé à voir le peuple des campagnes, ce que je ne pourrais pas faire si je voyageais dans une chaise de poste. Je voyage donc à pied et à travers champs. Je donnerais, non pas dix louis, car il ne m’en resterait guère, mais beaucoup, un sourire de mademoiselle Pourrat, pour n’être pas

    de la vie, était : « Je suis furieux, j’enrage, mais ça m’est bien égal. » Nous surprenons ici la disposition fatale dans son germe déjà éclos.

  1. Madame de Charrière, enthousiaste de Paoli, avait engagé Benjamin Constant à traduire de l’anglais l’ouvrage de James Bosvsell, intitulé : An Account of Corsica, and Memoirs of Pascal Paoli, qui eut une très grande vogue vers 1708. La traduction fut entreprise, puis abandonnée, comme tant d’autres choses, par l’inconstant (c’est ainsi qu’on désignait notre Benjamin dans la société de Lausanne).