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Je vous avoue que l’idée de vous y recevoir ou de vous la prêter m’a fait grand plaisir. S’il vous venait quelque fantaisie dispendieuse, si vous aviez envie d’un très beau cheval ou de quelque tableau, je vous prie de la satisfaire, car le testament est fait, et le testateur si opiniâtre qu’il n’en reviendra sûrement pas : de sorte que je me compte pour riche dès à présent, et je voudrais bien devenir votre créancière. »

Dans une autre lettre elle me disait :

« Tandis que je m’ennuie loin de vous, que tout ce que je fais me paraît inutile et insipide, à moins que je ne puisse le rapporter à vous d’une manière ou d’une autre, je vois que vous vous reposez loin de moi. D’un côté, impatience et ennui ; de l’autre, satisfaction et repos, quelle différence ! Je ne me plains pas cependant. Si je m’affligeais, je n’oserais le dire. Supposé que je visse une femme entre vous et moi, je m’affligerais bien plus, et cependant je ne devrais et n’oserais jamais le dire. »

Dans une autre lettre encore elle disait :

« Je crois avoir vu votre père. Frappée de ses traits, qui me rappelaient les vôtres, je suis restée immobile à le considérer. C’est sûrement lui, et il m’a aussi regardée. »

En effet, mon père, comme il me l’a dit depuis, l’avait vue par hasard dans une course qu’il avait faite à Londres. Je ne sais où il la rencontra, mais il demanda qui était cette belle femme. — Quoi ! Lui dit quelqu’un, vous ne connaissez pas la Caliste de lord L*** et de votre fils ? — Sans ce premier nom, me dit-il,… et il s’arrêta. Malheureux ! Pourquoi le prononçâtes-vous ?

Je commençais à être en peine de la manière dont je pourrais retourner à Bath. Ma santé n’était plus une raison ni un prétexte, et, quoique je n’eusse rien à faire ailleurs, il devenait bizarre d’y commencer un nouveau séjour. Caliste le sentit elle-même, et, dans la lettre par laquelle elle m’annonça son départ de Londres, elle me