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arrête ; plus de ces mots barbares que je ne retiendrai jamais et qui m’empêcheraient de profiter de tes leçons, dis-moi simplement le nom français ou espagnol des bêtes et des choses, cela vaudra beaucoup mieux. »

À cette repartie comique qui fit rire Frémont, le pauvre Sulpice, blessé, répliqua : « J’ai prononcé le nom français de l’oiseau, vilain moqueur, en te disant que c’était une Pénélope ; et quant à son nom mexicain, l’oiseau s’efforce de te le dire lui-même en répétant sans cesse « chachalaca, chachalaca », dénomination que lui ont conservée les Indiens et qui n’est qu’une simple onomatopée. » Comme il achevait ces mots, l’une des tapageuses vint se poser à gauche à mi-hauteur d’un grand arbuste, et François n’eut pas le temps de prendre son fusil que Sulpice l’avait visée et abattue. Ce fut sa revanche ; on cria bravo ; l’un des Indiens qui l’avait vue tomber la ramassa et la remit à l’enfant.

« Mais c’est une espèce de poule, dit-il en la retournant.

— Parfaitement, lui répondit Sulpice, un peu longue de corps, mais qui nous fournira ce soir un excellent rôti. Moins bon que celui-là cependant », ajouta-t-il en voyant filer dans les hautes branches un grand volatile à la tête huppée, aux ailes d’un noir brillant et au ventre moitié noir et moitié blanc. Mais l’oiseau avait disparu bien avant que Sulpice pût le mettre en joue. « Celui-là, fit-il, c’est un hocco. » Et comme François disait : « Quel dommage !

— Oh ! pas de regret, nous en retrouverons, ils abondent, dans ces parages. » En effet, on entendait aux alentours, mais sans pouvoir fixer l’endroit, des gloussements sourds, plaintifs et discrets qui indiquaient la présence de membres nombreux de cette belle famille. On n’avait du reste pas le temps d’aller à la découverte, et c’était du sentier même et à cheval que le naturaliste poursuivait le cours de ses observations.

Cependant on avait quitté le sentier battu, nommé, par euphémisme sans doute, camino real (route royale), et qui conduisait à Ténosiqué, pour se diriger à gauche, du côté de l’Usumacinta, près duquel se trouvaient les chantiers de bois d’acajou que Frémont allait visiter.