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pas à pas pour déjouer les frasques dont il était prodigue. L’un de ses tours consistait à tromper la surveillance des muletiers ; il se faufilait alors dans le bois, attendant patiemment que la troupe fût passée, puis se roulait avec violence pour se débarrasser de sa charge et s’en retournait flânant au village. La route à partir de San Andrès était large, et les cavaliers, par lignes de trois et quatre, avançaient au milieu d’une poussière intense ; de chaque côté, la plaine s’étendait au loin, couverte encore de moissons diverses : champs de cannes alors en pleine récolte, maïs dont les tiges desséchées se dressaient privées de leurs épis, haricots grimpant comme des houblons sur les hautes branches qui leur servaient d’appui ; et de grandes savanes où paissaient des bœufs.

Mais la route se rétrécissait, pour ne devenir bientôt qu’un sentier ; la ligne sombre des bois se rapprochait à vue d’œil. Une fois la lisière atteinte, on stoppa, et ce fut là que s’arrêtèrent les derniers amis qui avaient suivi la famille ; ce fut là qu’eut lieu la scène des adieux. Les muletiers profitèrent de l’arrêt pour resserrer les sous-ventrières de leurs bêtes et consolider les charges que la marche à travers la forêt allait soumettre à de rudes épreuves. Enfin un dernier hourra retentit ; mules et cavaliers prirent la file indienne, et l’on entra sous l’ombre des grands arbres que de longtemps on ne devait plus quitter.

La petite caravane ainsi échelonnée occupait une longue ligne, sur le flanc de laquelle courait Panfilo, pour surveiller ses gens. Bénito ne quittait pas de vue le poney de François, et Pétronille marchait côte à côte avec la mule d’Éléonore, tandis que d’Artagnan courait sur les flancs de la colonne en aboyant comme un perdu. L’étape fut des plus courtes, et il nous paraît inutile de parler des incidents vulgaires de cette première journée : quelques oiseaux courant dans les arbres, une paire d’aras criards, un chevreuil coupant la route en bondissant, et de larges papillons aux ailes de velours bleu bordées de noir et qu’admirait Éléonore ; ce fut tout. On arriva vers les deux heures au lieu du campement.

Les mules furent aussitôt déchargées, chaque bât reposant près