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métis ayant longtemps parcouru les forêts, à la recherche de l’acajou ; il avait mainte fois fait le voyage de Florès à Ténosiqué, sa patrie ; d’autre part il avait traversé la sierra, conduisant, des troupeaux de bœufs qu’il ramenait des plaines lointaines de Chiapas. C’était en outre un homme intelligent, dévoué, qui connaissait exactement les lieux et places où se trouve le ramon. Le ramon, espèce d’arbre à feuille charnue, compose la seule nourriture des bêtes en campagne. La forêt ne produit nul fourrage, et tout cheval ou mule qui n’aurait pas été entraîné à se contenter de cette nourriture, mourrait infailliblement de faim au milieu de ces bois d’une éternelle verdure. Or le ramon ne croît point partout en quantité suffisante pour l’approvisionnement d’un grand convoi ; il faut donc connaître exactement les localités où il se trouve en abondance, afin que les bêtes de somme puissent se bien ravitailler et se refaire. L’emploi de chef muletier est donc des plus importants pour une caravane.

Ce n’était cependant pas sans une certaine appréhension qu’Eléonore et Pancho attendaient le jour du départ.

Florès dans son isolement était une patrie ; c’est là qu’ils étaient nés, qu’ils avaient grandi, et, malgré les attraits de l’inconnu, les deux enfants regrettaient leur beau village ; ils regrettaient cette grande maison, fraîche demeure qu’avait habitée leur mère. François regrettait surtout cette magnifique lagune à la robe moirée d’azur, dont il avait si souvent sillonné les eaux dans sa pirogue indienne, lac enchanté dont le flot mignon semblait bercer l’île verdoyante où Carmen et la vieille tante reposaient toutes deux.