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Elle-même avait peint mille tableaux de prix.
Il la vit au milieu d’une superbe salle,
Où le jour éclairait d’une lumière égale,
Qui, par les traits hardis de ses doctes pinceaux,
D’un soin laborieux retouchait les tableaux
De nos jeunes beautés, qui, toutes singulières,
Sous ses ordres suivaient neuf diverses manières[1],
Et qui, s’étant formé de différents objets,
Avaient représenté neuf sortes de sujets.
Celle[2] qui s’occupait aux tableaux de l’histoire,
Sur sa toile avait peint l’immortelle victoire
Que sur les fiers Titans remportèrent les dieux,
Lorsqu’un injuste orgueil leur disputa les cieux.
Sur l’Olympe, éclatant d’une vive lumière,
Paraissait, des vainqueurs, la troupe auguste et fière,
Et dans l’ombre gisaient les Titans dispersés,
Fumants du foudre encor qui les a renversés.
Une autre[3], moins sévère et plus capricieuse,
Avait, des mêmes dieux, peint la fuite honteuse,
Quand sur les bords du Nil, vivement alarmés,
On les voyait encor à demi transformés ;
D’un bélier bondissant, la toison longue et belle
Cachait le souverain de la troupe immortelle.
La timide Vénus, plus froide qu’un glaçon,
Femme à moitié du corps, finissait en poisson,
Et Bacchus, dont la peur rendait les regards mornes,
Avait déjà d’un bouc et la barbe et les cornes ;
Apollon, qui se vit des ailes de corbeau,
Se détourna de boute et quitta le tableau.

  1. Les neuf genres de peinture.
  2. L’Histoire.
  3. Les Grotesques.