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Aux deux jeunes Amants cette affreuse nouvelle ;
Ensuite, sans marquer ni chagrin, ni douleur,
Il avertit son Épouse fidèle
Qu’il faut qu’il se sépare d’elle
Pour éviter un extrême malheur ;
Que le Peuple indigné de sa basse naissance
Le force à prendre ailleurs une digne alliance.

Il faut, dit-il, vous retirer
Sous votre toit de chaume et de fougère
Après avoir repris vos habits de Bergère
Que je vous ai fait préparer

Avec une tranquille et muette constance,
La Princesse entendit prononcer sa sentence ;
Sous les dehors d’un visage serein
Elle dévorait son chagrin,
Et sans que la douleur diminuât ses charmes,
De ses beaux yeux tombaient de grosses larmes,
Ainsi que quelquefois au retour du Printemps,
Il fait Soleil et pleut en même temps.

Vous êtes mon Époux, mon Seigneur et mon Maître
(Dit-elle en soupirant, prête à s’évanouir),
Et quelque affreux que soit ce que je viens d’ouïr
Je saurai vous faire connaître
Que rien ne m’est si cher que de vous obéir

Dans sa chambre aussitôt seule elle se retire,
Et là se dépouillant de ses riches habits,
Elle reprend paisible et sans rien dire,
Pendant que son cœur en soupire,
Ceux qu’elle avait en gardant ses brebis.
En cet humble et simple équipage,
Elle aborde le Prince et lui tient ce langage