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Est-ce une si grande merveille
Que tous ces dons que vous en recevez,
Tant qu’il aura l’âne que vous savez,
Qui d’écus d’or sans cesse emplit sa bourse ?
Demandez-lui la peau de ce rare animal ;
Comme il est toute sa ressource,
Vous ne l’obtiendrez pas, ou je raisonne mal.

Cette fée était bien savante,
Et cependant elle ignorait encor
Que l’amour violent, pourvu qu’on le contente,
Compte pour rien l’argent et l’or.
La peau fut galamment aussitôt accordée
Que l’infante l’eut demandée ;
Cette peau, quand on l’apporta,
Terriblement l’épouvanta,
Et la fit de son sort amèrement se plaindre.
Sa marraine survint, et lui représenta
Que quand on fait le bien on ne doit jamais craindre ;
Qu’il faut laisser penser au roi
Qu’elle est tout-à-fait disposée
À subir avec lui la conjugale loi ;
Mais qu’au même moment, seule et bien déguisée,
Il faut qu’elle s’en aille en quelqu’état lointain,
Pour éviter un mal si proche et si certain.
Voici, poursuivit-elle, une grande cassette
Où nous mettrons tous vos habits,
Votre miroir, votre toilette,
Vos diamans et vos rubis.
Je vous donne encor ma baguette,
En la tenant en votre main,
La cassette suivra votre même chemin,