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d’âne, ouvrit sa porte ; et ces gens, en se moquant d’elle, lui dirent que le roi la demandait pour lui faire épouser son fils : puis, avec de longs éclats de rire, ils la menèrent chez le prince, qui lui-même, étonné de l’accoutrement de cette fille, n’osa croire que ce fût elle qu’il avait vue si pompeuse et si belle. Triste et confondu de s’être si lourdement trompé : « Est-ce vous, lui dit-il, qui logez au fond de cette allée obscure, dans la troisième basse-cour de la métairie ? — Oui, seigneur, répondit-elle. — Montrez-moi votre main, » dit-il en tremblant et poussant un profond soupir…

Dame ! qui fut bien surpris ? Ce furent le roi et la reine, ainsi que tous les chambellans et les grands de la cour, lorsque de dessous cette peau noire et crasseuse sortit une petite main délicate, blanche et couleur de rose, où la bague s’ajusta sans peine au plus joli petit doigt du monde ; et par un petit mouvement que l’infante se donna, la peau tomba, et elle parut d’une beauté si ravissante, que le prince, tout faible qu’il était, se mit à ses genoux, et les serra avec une ardeur qui la fit rougir ; mais on ne s’en aperçut presque pas, parce que le roi et la reine vinrent l’embrasser de toute leur force, et lui demander si elle voulait bien épouser leur fils. La princesse, confuse de tant de caresses et de l’amour que lui marquait ce beau jeune prince, allait cependant les en remercier, lorsque le plafond s’ou-