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autre chose : aussi tout fructifiait sous ses belles mains.

Un jour, qu’assise près d’une claire fontaine, où elle déplorait souvent sa triste condition, elle s’avisa de s’y mirer, l’effroyable peau d’âne, qui faisait sa coiffure et son habillement, l’épouvanta. Honteuse de cet ajustement, elle se décrassa le visage et les mains, qui devinrent plus blanches que l’ivoire, et son beau teint reprit sa fraîcheur naturelle. La joie de se trouver si belle lui donna envie de s’y baigner, ce qu’elle exécuta ; mais il lui fallut remettre son indigne peau, pour retourner à la métairie. Heureusement le lendemain était un jour de fête ; ainsi elle eut le loisir de tirer sa cassette, d’arranger sa toilette, de poudrer ses beaux cheveux, et de mettre sa belle robe couleur du tems. Sa chambre était si petite, que la queue de cette belle robe ne pouvait pas s’étendre. La belle princesse se mira et s’admira elle-même avec raison, si bien qu’elle résolut, pour se désennuyer, de mettre tour-à-tour ses belles robes, les fêtes et les dimanches ; ce qu’elle exécuta ponctuellement. Elle mêlait des fleurs et des diamans dans ses beaux cheveux, avec un art admirable ; et souvent elle soupirait de n’avoir pour témoins de sa beauté, que ses moutons et ses dindons, qui l’aimaient autant avec son horrible peau d’âne, dont on lui avait donné le nom dans cette ferme.

Un jour de fête, que Peau-d’Âne avait mis la