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enfans ; il devoit estre à la guerre tout l’esté ; et, dés qu’il fut parti, la reine-mere envoya sa bru et ses enfans à une maison de campagne dans les bois, pour pouvoir plus aisément assouvir son horrible envie. Elle y alla quelques jours aprés, et dit un soir à son maistre d’hôtel :

« Je veux manger demain à mon dîner la petite Aurore.

— Ah ! Madame, dit le maistre d’hôtel…

— Je le veux, dit la reine (et elle le dit d’un ton d’ogresse qui a envie de manger de la chair fraische), et je la veux manger à la sausse Robert. »

Ce pauvre homme, voyant bien qu’il ne falloit pas se joüer à une ogresse, prit son grand cousteau, et monta à la chambre de la petite Aurore : elle avoit pour lors quatre ans, et vint en sautant et en riant se jetter à son col, et luy demander du bon du bon. Il se mit à pleurer : le couteau luy tomba des mains, et il alla dans la basse-cour couper la gorge à un petit agneau, et luy fit une si bonne sausse que sa maistresse l’assura qu’elle n’avoit jamais rien mangé de si bon.