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Des racines pressant vos côtes tourmentées,
Dans leurs embrassements vous étoufferaient point ?
Voyez-vous que des lys ou des roses trémières
Vous volent vos écus pour leur cœur de lumière ?
Que des rats, mal nourris par les morts qui n’ont rien
Grignotent pour finir ce qui vous appartient ?
Non non, riches, je vous comprends. Chacun chez soi,
Pour toujours ! Le caveau, c’est plus sûr.
                                                    Quant à moi,
Le jour silencieux où ma vieille servante,
Venant pour m’éveiller, verra, toute tremblante,
Mon front pacifié pour la première fois,
Et que, les yeux bistrés, le nez pincé, les traits
Amincis, je ressemble à mon plus beau portrait,
— Ce jour où l’on conçoit que la voix la plus chère
N’est que le souffle obscur d’une chose étrangère,
D’un être dont enfin le mutisme obstiné,
Avoue un grand secret qu’on avait soupçonné —
Qu’on n’aille ce jour-là, qu’on n’aille point encore
M’habiller d’un rigide habit de bois, enclore
Dans du chêne ce cœur qui par le torse étreint