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LES DÉSIRS

que son rire n’a pas désarmé ses bourreaux, il tourne ses yeux bleus de vieille biche vers son protecteur. Si le charpentier garde son sérieux, il part aussitôt et se jetterait à la mer plutôt que de reculer. On lui fait accomplir des choses impossibles. Il a le visage plissé et glabre d’une vieille femme, et des yeux bleus très limpides. Il mange safrement, à la façon d’un animal.

Mirion ne fraye pas avec les autres. Rencogné dans son lit, où il cherche refuge en entrant, toujours à l’affût, sans qu’il y paraisse, des conversations, il rit tout seul de tous les plis de son visage de célibataire asexué. Il a toujours le fil et l’aiguille à la main, ravaudant ses bas, mettant des pièces à ses chemises.

Pierre a pour voisin, le vieux Rèque, avare, mesquin, fureteux, voleur de bouts de corde, de bretelles, de ceintures, de tout ce qu’on laisse hors de son sac. Un soir, en entrant, Pierre aperçoit sur le coffre de Rèque, une paire de bas qu’il a cherchée la veille. Rèque les a chipés ; mais par scrupule, il ne cache pas ses larcins : quand il s’empare d’un objet, il le place en évidence sur son lit à l’entrée des hommes. Quand on réclame, il proteste :

— Il était là.