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VIII

Vers cinq heures, les nuages accumulés par le feu de l’après-midi envahissent le ciel. Pierre, immobile dans une chaise longue, sur la vérendah, fixe le trou noir que forme à distance la porte à guillotine de la cour d’un tonnelier. La rue est déserte. C’est l’heure où, dans les familles pauvres, les enfants absorbent un souper hâtif.

Pierre pense à l’avenir. Il souffre de se sentir inutile. Il voudrait assumer des responsabilités, retrouver le matin en s’éveillant des problèmes d’hommes à résoudre. Il aurait le courage de lutter contre tout le monde. Mais il est inutile. Il n’a rien ; il ne peut rien. Il a seize ans.

Depuis longtemps déjà, il a l’idée que c’est par la femme qu’on entre dans le plein de la vie. Une femme comme Germaine Lavelle. L’image de la jeune fille se détache sur le fond gris de ses pensées, accompagnée d’un désir indéfini. Tout d’abord son dessein n’est pas de lui

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