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LES DÉSIRS

heur. Lancinet est comme un enfant, incapable de se gouverner seul. »

Rue principale, la foule est dense, le courant humain solide ; les mêmes visages vous accompagnent indéfiniment. La solitude, au milieu de cette foule est aussi complète, aussi intacte que dans une forêt. À certains moments, on n’avance que pas à pas, à d’autres, une éclaircie se produit, mais le cours est presque toujours lent, animé et régulier. On rit, on s’interpelle ; cette symphonie de voix, dont les bruits de la rue forment la trame, se meut le long d’un décor toujours changeant, qu’on regarde à peine en dépit de la crudité de l’éclairage.

Mais ce soir, Massénac n’est pas sensible à ce mouvement. Il a l’impression que tout le monde le regarde. Il s’arrête plusieurs fois, un peu nerveux malgré lui. On chuchote sur son passage. Serait-il arrivé malheur à Lancinet ? Il s’approche d’un kiosque de journaux, regarde les manchettes et reste hébété. Bernard Massénac a péri, la veille, dans l’incendie de sa demeure. Un frisson parcourt l’épine dorsale du jeune homme. La veille, il s’est échappé d’une maison en flammes. Que faisait-il là ? Pourquoi y était-il allé ? Il éprouve une profonde