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LES DÉSIRS

de la rue transversale. De nouveau tout autour de lui se brouille et il perd conscience, si on peut donner le nom de conscience, à l’état somnambulique où il se débat depuis son réveil.

Quand il revient à lui, il est environ midi. Il se trouve dans l’entrée d’un hangar donnant sur la ruelle. Le jour lui fait mal aux yeux et chacun de ses mouvements retentit dans sa tête. Tous ses muscles sont ankylosés et la douleur lui arrache de petits cris vite réprimés qui le soulagent. Il n’a aucune idée et si un policier l’interrogeait, il serait absolument incapable de décliner intelligemment son nom et son adresse. Il ne pense qu’à ses mouvements : « Encore dix pas et je vais atteindre cette porte, encore dix pas et je m’appuierai contre ce mur ». Son but atteint, il se laisse aller à une joie enfantine, mais avant d’avoir pu se reposer, il repart, regardant fixement un nouveau but. Au moment d’atteindre la rue, il marche à peu près normalement. Des voitures sillonnent la chaussée en tous sens. « Pourrais-je atteindre le trottoir sans être renversé », se demande-t-il. De l’autre côté de cet espace dangereux, il aperçoit un restaurant. Il a soif. « Tu ne dois pas t’arrêter », lui répète une voix familière, celle qui l’a con-