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Quelques jours plus tôt, Pierre Massénac était descendu du train avec un homme que personne ne connaissait à Deuville. C’était un vieillard timide et branlant du chef, qui regardait autour de lui avec des yeux d’enfants. On s’aperçut bientôt qu’il ne parlait jamais. Il répondait « oui, oui » à tout ce qu’on lui disait et se hâtait de détourner les yeux. Massénac ne le laissait jamais seul. L’ancien cuisinier Lancinet, car c’était lui, buvait les paroles du jeune homme et le servait comme un esclave.

Massénac, après avoir haï sa mère et son père, avait trouvé en cet idiot un être qui avait besoin de lui et sur lequel il reportait toute son affection. La nature a de ces singularités. Elle s’en sert comme d’un contrepoids à nos sentiments anormaux. Pierre trouvait peut-être dans les services filiaux qu’il rendait au pauvre d’esprit, le moyen de compenser pour son ingratitude envers Eugénie et Bernard Massénac.

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