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ET LES JOURS

ne qu’Auguste, est l’une des plus belles femmes de Deuville. Elle a le teint clair des blondes, d’un blanc légèrement hâlé, les traits fins, les yeux sombres. On la sent vive, affectueuse, ardente…

Elle passe un négligé et court à la cuisine préparer le biberon. Auguste met le feu sous la cafetière. La bonne, qu’on ne peut loger faute d’espace, n’arrive qu’à dix heures. À table, Auguste est repris par ses problèmes d’avocat et de député. Marguerite s’affaire autour de lui.

Auguste développe une idée que sa femme écoute d’une oreille distraite. Il s’interrompt. Marguerite connaît le mécanisme de sa pensée. Elle n’en voit que la routine et les procédés. Chaque homme a non seulement sa façon de sentir, mais une pente d’esprit qui lui est propre. Ses paradoxes, ses hyperboles peuvent encore produire de l’effet sur ceux qui le rencontrent occasionnellement, mais pour les êtres qui vivent avec lui ses réactions n’ont plus de mystère. La pensée a perdu cet élément d’imprévu qui excite la curiosité ; elle est aussitôt décomposée et classée selon les manies, les phobies du causeur. Il se forme ainsi un climat