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LES DÉSIRS

traversé d’une balafre horizontale au-dessus des sourcils. Quand il réfléchissait, il promenait dans ses cheveux une main moite, cernée aux jointures et terminée par des ongles verdâtres. Les cheveux, rejetés en arrière, retombaient comme deux ailes sur les oreilles. Tel apparaissait le formidable Massénac.

Auguste Prieur, qui s’efforçait d’être aimable, fit une piètre impression sur lui. C’était un avocat distingué et Massénac n’ignorait pas qu’avant son entrée dans la politique, il n’eût jamais regardé son futur organisateur. En l’absence de Prieur, on disait à Bernard Massénac : « Prieur est un timide. Il faut lui laisser le temps de s’habituer au peuple. » D’autre part, Lavisse et Nachand répétaient à Prieur : « Massénac est un grossier personnage, mais nous ne pouvons nous passer de lui. Sois aimable jusqu’aux élections. »

Bernard Massénac prit tous les moyens imaginables pour faire accepter Prieur dans le peuple. Voyant que l’avocat n’avait aucune chance par lui-même de devenir populaire, il s’identifia à lui. Au cours d’une assemblée orageuse, il s’était écrié dans un mouvement de passion : « Qui est-ce qui a fait des faux