Page:Charbonneau - Fontile, 1945.djvu/65

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Nous habitions alors la vieille maison où tu es venu quelquefois. L’escalier, tu te souviens, était étroit et mal éclairé. Au dernier palier, Antoine, qui descendait devant moi, s’arrêta brusquement, me prit dans ses bras et me serra très fort. Je me sentis humilié et lui fis une colère. Ses yeux dans la pénombre avaient une fixité fascinante. Il me regarda en silence un moment puis s’enfuit en courant. À sa troisième visite, même manège, puis il cessa de s’occuper de moi. Quand vous discutiez ensemble, Laroudan, Antoine et toi, sous le préau, il se tournait parfois de mon côté avec un sourire indéfinissable. J’en conclus qu’il vous avait tout raconté et me sentis atrocement ridicule.


Il s’était laissé entraîner par ses souvenirs et redoutant d’en avoir trop dit sans nécessité, il en ressentait une vive humiliation. Néanmoins, il avait exorcisé son fantôme.

— Est-il vrai que Lorraine Bériau se marie ? demanda-t-il en me regardant obliquement.

Il avait peine à contenir la joie mauvaise qui