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J’admirais la perfection de tout ce que produisaient mes amis et rougissais de l’incohérence de mes essais. Le jeune Gœthe, comparant ses premiers vers à ceux de ses camarades y trouvaient la preuve de sa supériorité évidente sur eux. C’était le contraire pour moi.

Je manquais déjà de spontanéité et de simplicité. L’habitude de synthétiser, de condenser, de symboliser mes impressions et mes sentiments, de les transformer en exercice de style, paralysait tous mes élans. Je ne savais pas me dégager d’une image du monde et de moi-même que je recomposais sans cesse. Je la fuyais un moment dans l’action mais pour y revenir aussitôt. J’avais un amour exaspérant et désespéré de l’analyse. Me découvrir, me vérifier à chaque instant était mon jeu passionnant et dangereux. Pendant que je souffrais, les autres agissaient, d’où accroissement de ma souffrance et de mon indétermination.

Ce fut un drame le jour où Georges m’annonça que ses parents le retiraient du collège. Il ne m’apprit pas immédiatement qu’il avait