Page:Charbonneau - Aucune créature, 1961.djvu/47

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Colette m’a redonné le goût de vivre, dit-il en regardant sa femme s’éloigner d’un pas rapide.

Il entraîna Georges dans son cabinet de travail, situé au premier dans la pièce la plus belle et la plus ensoleillée de la maison. Par la fenêtre, on apercevait la masse de frondaison du mont Royal. Le père resta debout, marchant de long en large dans la vaste pièce, dont le principal ornement consistait en une bibliothèque vitrée occupant deux des murs jusqu’au plafond. Un manuscrit était ouvert sur la longue table où le vieux professeur rédigeait ses cours.

Il marchait d’un pas vif, nerveux. Il avait toujours été debout sous prétexte que le mouvement l’aidait à penser. La vie lui réussissait. En dépit de son âge, il était resté svelte et sa silhouette contrastait avec celle de son fils.

— Mon second mariage m’a libéré de la contrainte et du même coup de l’angoisse de vivre.

— Mais tu m’as toujours dit qu’on ne crée rien de valable sans l’angoisse.

— Comprends-moi bien : il s’agit ici de la peur de vivre, non de l’angoisse, de l’inquiétude de l’écrivain ou du chercheur qui se rap-