Page:Charbonneau - Aucune créature, 1961.djvu/40

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sourire, même à rire un peu, comme s’il oubliait où il se trouvait. Et après le départ de ses visiteurs, il s’abandonnait à son désespoir. Ses filles, les paupières rougies et tuméfiées, très élégantes dans leurs robes noires, se montraient abîmées devant la galerie, sans que leur douleur fût plus profonde.

Il parut inconsolable pendant un an. Puis un jour, Paul, arrivé chez lui à l’improviste, l’y trouva avec une inconnue. Lucile prétendait que leur père menait la vie des noctambules et s’était mis à boire. N’avait-il pas recommandé de ne plus fermer la porte d’entrée avant son retour. La jeune femme en avait conclu à un affaiblissement de ses facultés, mais la véranda était obscure et, une ou deux fois, Georges lui-même avait eu des difficultés avec la serrure.

Après cet incident, personne ne se permit d’aller le voir sans s’être annoncé. Puis, un jour, les enfants furent invités à rencontrer leur future belle-mère. Comment décrire Colette, femme suractive, sans foi, sans boussole, sans port d’attache, sans cesse occupée de nouveaux projets, ambitieuse, à la poursuite d’une chimère, emportée au gré des modes et des courants, incapable de maturité ou d’expérience, l’antithèse de son mari. Elle