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périorité durait peu. Il fallait répéter : « La science et toi !… » « La musique et toi ! » pour s’assurer que cette fois encore il ne se rebellerait pas, le mince avantage dont jouissait provisoirement ses amis provenant en partie de la complaisance du jeune homme à entrer dans le jeu. Par contre, les sarcasmes de Guilloux troublaient le repos de Blaise Carrel, dont il ne tarda pas à devenir la bête noire. Car celui-ci abhorrait presque autant l’humour que le jeu. Pillier, les yeux en-dessous, flairant un malheur avec son instinct infaillible, suivait Lucien, s’attachait à ses pas, cherchait à force d’abjection à lui soutirer des confidences. Bientôt la témérité de Guilloux ne connut plus de bornes. N’avait-il pas, par bravade, signé quelques jours plus tôt le manifeste d’un mouvement idéologique de gauche, plaçant ses amis nationalistes dans une situation délicate. Mais cela ne lui suffisait pas encore. À l’insu de Georges, que ses quatre cents coups faisaient rire, il s’était allié à Laverne, personnage prétentieux et vain, faux-bourdon de Carrel. Georges se rappelait Laverne, ses pustules, son poumon unique, jusqu’à son odeur de phénol. Il machinait à ce moment la perte de son chef. Leur tentative échoua et Lucien fut mis à pied. Georges