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tre, en compagnie de son état-major et des notables, les dominant tous de la tête. Et comme il se séparait du groupe et gravissait le petit escalier conduisant à la tribune, la foule avait été prise de délire, criant, trépignant, acclamant. Carrel se tenait très droit, visiblement ému. Puis il avait pris la parole, commandant au tumulte et se faisant obéir aussitôt. Qu’avait-il dit ? Georges avait à peine entendu les mots, coupés d’applaudissements frénétiques et de vivas. Ce qu’il avait vécu, à cette heure-là c’était le passage de la gloire, grand ange invisible se saisissant devant lui d’un vivant et l’auréolant de lumière.

Aux élections, le parti avait subi un cuisant revers, mais Carrel avait été élu avec un petit groupe de fidèles. Le parti s’était ensuite replié. Bientôt, de nouvelles idéologies avaient détourné de lui l’attention des masses. Il revivait dans les manifestations nationales et dans les grandes interventions de son chef à la Chambre.

Carrel habitait une grande maison blanche de deux étages, isolée de la route par un mur de pierres des champs et dissimulée aux regards par la frondaison d’ormes et de chênes de grandes dimensions, plantés irrégulière-