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— Je t’aime, Sylvie.

— Essaie un peu de m’aimer toute entière.

— On se change difficilement. Donne-moi un peu de temps. On ne m’a appris que la peur…

Comme ils s’apprêtaient à retourner à la ville, elle lui dit :

— Il y a une prière de mon enfance qui me revient : « Je vous donne mon cœur, mon esprit et ma vie. »

Elle avait été élevée librement, sans discipline, sans religion. Fille d’une femme trop belle et trop adulée et d’un musicien de jazz qui avait déserté Colette avant la naissance de Sylvie et était allé mourir désespéré quelque part en Amérique du Sud, la jeune femme avait été élevée chez les uns et les autres, puis envoyée en Suisse parfaire des études décousues. Personne ne lui avait jamais parlé de religion. L’aventure de sa mère et l’échec de son propre mariage lui avaient fait redouter l’amour jusqu’au jour où elle avait trouvé Georges. Elle continua :

— Colette ne voulait pas qu’on trouble mon esprit. Elle fit une colère terrible à propos de la seule prière qu’on m’ait apprise parce qu’on y disait : « Prenez mon cœur afin qu’aucune créature ne le puisse posséder que Vous