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qui appartenaient aux anciennes castes privilégiées et ceux que la Révolution avait mis en évidence. Il ne faisait distinction de personne, et, sous ce rapport, il régnait auprès de lui une égalité parfaite. Cependant, les promoteurs de la Révolution lui ont fait constamment un crime de s’entourer de ces hommes-là ; ils ne pouvaient pas se persuader qu’il y eût de la bonne foi de leur part, ni de l’attachement pour sa personne ; ils les regardaient comme des espions qui épiaient un moment de défaveur de la part de la fortune pour ressaisir leurs premiers avantages. Mais Bonaparte ne partageait pas ces craintes ; il se croyait assez fort pour tout enchaîner et tout asservir. Il ne lui est pas venu un instant dans l’idée qu’il pût être culbuté tant qu’il vivrait. Et c’est peut-être cette persuasion qui l’a constamment porté aux extrêmes et lui a fait mettre sa couronne en problème à chaque événement. Il avait été si bien secondé par la fortune dans toutes ses entreprises, qu’il était parvenu à croire que ce qu’il appelait son étoile ne pâlirait jamais.