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ensemble, où tout est lié, on fatigueroit vainement la mémoire par des détails ; et on ne verroit qu’imparfaitement la nature, puisque ses phénomènes n’arriveroient que mutilés à notre entendement.

Ne croyez pas vous préparer des peines plus grandes en vous portant, de plein vol, aux principes pour en suivre tous les développemens : l’étude de la nature n’est sèche et difficile que dans les détails : elle est toujours simple dans ses premiers moteurs. Et, si vous vous portez à l’origine de tous les mouvemens, vous verrez en découler quelques principes qui ne se compliquent que lorsque des hommes bornés les détournent de leur direction. L’étude des détails dessèche les facultés morales, éteint l’imagination, fatigue la mémoire, suffoque le génie, tandis que l’étude des grands principes agrandit l’ame, repose l’esprit, donne de l’aliment au génie et fait avaler, pour ainsi dire, la science d’un seul trait. Lorsque les dieux voulurent donner le jour à la déesse des sciences et des arts, Minerve sortit toute armée du cerveau de Jupiter : grande leçon, qui nous apprend à ne pas nous traîner sur la route, mais à nous saisir de suite des grands principes, et à mesurer avec orgueil et génie tout ce qui en dérive. L’homme incapable de cet élan sublime, peut s’éloigner du sanctuaire : trop foible pour maîtriser son art, il en deviendroit le jouet ; trop borné pour comparer des faits nombreux, il rouleroit péniblement le rocher de Sysiphe ; et sa vie, tracée sur une ligne étroite, ne lui présenteroit la nature que par lambeaux.

La chimie ne se bornera donc pas à la description aride de quelques opérations : elle sera aussi grande, aussi étendue que son objet : elle saura embrasser la nature sous tous ses rapports. Et en vous instruisant sur les phénomènes de