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des partisans ardents de la langue artificielle suffiraient à donner le coup de grâce à l’Espéranto ainsi qu’à toute autre langue artificielle qui, après son décès, tenterait d’accaparer sa succession.

Troisième objection contre la langue artificielle :

MANQUE DE PRÉCISION ET DE CLARTÉ

La qualité maîtresse des langues artificielles, c’est de pouvoir être apprises très facilement et très promptement. C’est pour obtenir ce résultat que leurs auteurs ont dû simplifier à outrance nos langues modernes et, comme je l’ai dit, les désarticuler, les désosser, je maintiens le mot. Cette simplification poussée à l’extrême a pour résultat inévitable d’enlever à ce produit artificiel la précision, la clarté que possèdent les langues vivantes, et qui distinguent surtout la nôtre. Prenons, par exemple, l’Espéranto, puisque c’est lui qui tient la corde aujourd’hui.

Pour nous faire apprécier cette simplification, les espérantistes nous disent : « Au lieu d’avoir deux mots pour une même idée négative ou positive, on n’en aura qu’un avec un affixe signifiant le contraire : grand et petit n’auront plus qu’un mot : grand et pas grand (malgranda) ; riche et pauvre, seront riche et pas riche (malriĉa) ; haïr, sera pas aimer (malami). »

Est-ce qu’il y a véritablement synonymie entre ces expressions : pas grand et petit, pas riche et pauvre, haïr et pas aimer ? Sans aller chercher bien loin, celui qui écrit ces lignes n’est pas grand, mais il n’est pas petit ; il n’est pas riche, mais il n’est pas pauvre ; il y a des gens qu’il n’aime pas, mais il ne les hait pas. Ces abréviations excluent la précision.

Il ne fallait pas d’ailleurs un grand effort d’imagination pour faire cette trouvaille : dans notre langue monstrueuse, n’avons-nous pas heureux et malheureux, honnête et malhonnête ?

M. de Beaufront et ses collègues répètent sans cesse et crient bien haut, pour s’étourdir sans doute, « que leur voca-