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DE LA NOUVELLE-FRANCE

qualifier de socialisme royal, ne contenait-elle pas en germe le collectivisme dont nous voyons de nos jours s’affirmer avec violence les menaçantes prétentions ? Ni Louis XIV, ni ses ministres, ni ses docteurs ne soupçonnaient sans doute les conséquences possibles des prémisses posées par eux. L’unification, la concentration de tous les pouvoirs et de tous les droits dans la personne du souverain, telle était leur préoccupation suprême, qui leur faisait perdre de vue le danger d’affaiblir le trône en l’isolant. Talon, plongé de bonne heure dans l’atmosphère officielle, s’était imbu de ces principes d’ultramonarchisme. Le paragraphe plus haut cité, qui nous en apporte un si frappant témoignage, démontre en même temps la sincérité de ses convictions.

Lorsqu’il faisait et signait de sa main ce testament, — dont nous donnons le texte en appendice, — Talon prévoyait que sa fin était proche. Il touchait à sa soixante-dixième année, et sa santé avait été fort affaiblie par ses rudes travaux et ses pénibles voyages. L’heure du grand départ allait sonner pour lui. Il la voyait s’approcher avec la fermeté d’âme d’un honnête homme et d’un chrétien. « Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit », écrivait-il en tête de l’acte où il consignait ses dernières volontés ; « persuadé qu’on ne doit pas compter sur la vie et qu’il est bon de prévenir la mort, mettant quelque ordre dans ses affaires ; après avoir prié le Père Éternel de recevoir dans le sein d’Abraham mon âme purifiée de ses crimes par le précieux sang de son cher Fils, après avoir demandé à la Sainte-Vierge ses suffrages auprès de ce même fils, aussi bien que les suffrages de tous les anges, saints et saintes du Paradis ; j’ai, soussigné, jouissant du plein usage de ma raison, de