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JEAN TALON, INTENDANT

tenir l’exécution pour quelque temps en votre présence. » Entrant dans les vues du ministre, Talon demeura ici jusqu’aux dernières navigations.

Comme le roi n’avait pas nommé d’intendant pour le remplacer, Frontenac allait se trouver chargé de toute l’administration civile. Talon dut l’initier aux affaires, et constata sans doute, au cours de leurs brèves relations, que sa situation deviendrait promptement difficile en face d’une personnalité aussi impérieusement agissante. En effet le nouveau gouverneur sortit immédiatement des sentiers battus. Ses lettres patentes avaient été enregistrées au Conseil Souverain le 12 septembre. Dès le 17, il prenait séance avec une solennité inusitée, et prononçait une harangue de fière allure[1], qui constituait déjà une innovation. Elle fut suivie de la prestation du serment de fidélité au roi par tous les membres et officiers du conseil. Un mois plus tard, après avoir fait une excursion rapide dans la région de Québec, et remonté le fleuve jusqu’aux Trois-Rivières, il convoquait une assemblée imitée des États généraux de France, et partagée en trois ordres, clergé, noblesse et tiers-état. Il y prononçait encore

  1. — On en jugera par ce passage : « Sa Majesté désire que vous enregistriez la déclaration de la guerre qu’elle a faite par mer et par terre contre les Hollandais, mais vous ne saurez pas plutôt par là qu’ils sont ses ennemis que je vous dirai qu’ils sont devenus ses sujets, et qu’elle a poussé ses conquêtes avec tant de rapidité qu’en un mois de temps elle s’est assujettie des peuples qui pendant plus de cent ans avaient résisté à toute la puissance de la Maison d’Autriche, lors même qu’elle était dans le plus haut point de sa grandeur et de son élévation. » (Jugements et délibérations du Conseil Souverain, I, p. 690).