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DE LA NOUVELLE-FRANCE

en savons assez pour affirmer qu’on ne s’adressait pas à lui vainement quand il s’agissait de redresser un grief et de réprimer un abus. Au mois d’octobre 1670, des habitants de l’île de Montréal lui soumirent la plainte suivante. En faisant leurs abatis, le long des rives du Saint-Laurent, beaucoup de colons, pour se débarrasser des troncs d’arbres, les traînaient au fleuve. Ces troncs étaient parfois arrêtés par des obstacles, formaient des enchevêtrements et des obstructions nuisibles à la navigation, et rendaient l’accès des terres difficile aux canots et aux barques. L’intendant rendit une ordonnance pour obliger les colons à couper et débiter leurs arbres par billots, et à les déposer sur le fleuve, de manière qu’ils fussent emportés avec les glaces lorsqu’elles fondraient[1].

Au mois de janvier 1671, il eut à réprimer une tentative d’accaparement qui aurait pu avoir des suites très graves. Quelques particuliers s’étaient mis à parcourir les habitations pour acheter tout le blé disponible, dont ils firent ensuite monter le prix à un chiffre excessif, ce qui menaçait de ruiner ou d’affamer la population. « Talon, informé de cette tactique cruelle, prit des moyens pour obliger chacun à n’acheter de blé que pour sa provision ; et défendit, sous peine de confiscation, d’en vendre à personne avant que les magasins du roi en fussent suffisamment pourvus. Il fixa aussi le prix du blé français à trois livres deux sous le minot ; ce qui n’empêcha pas le meunier de la Touche-Champlain de profiter de la disette pour le vendre cent sous, et encore mêlé de blé-dinde : infraction qui obligea l’intendant à sévir contre lui[2]. »

  1. Arch. prov., Documents, carton I, 1651 à 1672.
  2. Histoire de la colonie française, III, p. 400.