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DE LA NOUVELLE-FRANCE

Il ne faudrait pas conclure de ce qui précède que Colbert ne s’intéressait pas au Canada. Nous avons déjà vu le contraire. Aucun ministre de la monarchie ne fit autant que lui pour la Nouvelle-France. Et c’est sous son ministère que notre pays prit l’essor qui lui permit plus tard de traverser sans périr les plus terribles épreuves. Mais à certains moments, saisi par l’engrenage de la politique européenne, forcé de coopérer à des entreprises qu’il désapprouvait et qui entravait son œuvre de restauration financière, administrative et économique, il cédait à la crainte excessive d’affaiblir le tronc principal en favorisant trop la croissance des rejetons.

Talon s’inclina devant les observations du ministre, mais sans abdiquer ses idées. « Monseigneur, lui écrivit-il, je n’aurai plus l’honneur de vous parler du grand établissement que ci-devant j’ai marqué pouvoir se faire en Canada à la gloire du roi et à l’utilité de son état, puisque vous connaissez qu’il n’y a pas dans l’ancienne France assez de surnuméraires et de sujets inutiles pour peupler la Nouvelle, et entrant dans toutes les raisons de votre dernière dépêche, je tournerai mes soins et donnerai toute mon application à ce que vous m’ordonnez, jusqu’à ce que cette matière informe vous paraisse digne de quelque plus grand secours que celui qu’elle a reçu cette année. Souffrez seulement, Monseigneur, que je dise que, si elle paraissait à vos yeux ce qu’elle est, vous ne lui refuseriez pas quelque part de votre application, persuadé d’ailleurs qu’un pays sauvage ne se peut faire par soi-même s’il n’est aidé dans ses commencements[1]. » Cette insistance courtoise porta ses

  1. Talon à Colbert, 12 novembre 1666 ; Arch. féd. Canada, corr. gén. vol, 2.