Page:Chapais - Jean Talon, intendant de la Nouvelle-France (1665-1672), 1904.djvu/139

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
121
DE LA NOUVELLE-FRANCE

(c’est-à-dire grand capitaine), je vois bien que nous sommes perdus, mais notre perte te coûtera cher ; notre nation ne sera plus, mais je t’avertis qu’il y demeurera beaucoup de ta belle jeunesse, parce que la nôtre se défendra jusqu’à l’extrémité. Je te prie seulement de sauver ma femme et mes enfants qui sont en un tel endroit. On lui promit de le faire si on pouvait la reconnaître, et de la lui amener avec toute sa famille. »

Ce fut un jour mémorable pour Québec que celui où MM. de Tracy et de Courcelle, entourés d’un nombreux et brillant état-major d’officiers et de gentilshommes, partirent du fort Saint-Louis et descendirent la côte de la Montagne escortés de l’imposant corps de troupes qu’ils allaient conduire au combat. Avec quelle émotion enthousiaste la population ne dut-elle pas saluer ces chefs illustres, ces lieutenants intrépides, ces soldats éprouvés, héros de vingt batailles, ces volontaires canadiens rompus à la guerre indienne, toute cette armée vaillante qui s’embarquait pour une campagne lointaine, dont le prix devait être la paix, la sécurité, et la prospérité de la Nouvelle-France. Le coup décisif allait donc être porté à ces barbares implacables et féroces, qui, depuis vingt ans, faisaient trembler la colonie ! Quelles acclamations durent ébranler les échos du Cap Diamant ! L’imagination refait aisément cette scène : le son des cloches, le grondement du canon, le roulement des tambours, les cris de la foule, les rayons du soleil de septembre qui font étinceler les équipements et les armes, les mains qui se pressent dans la chaude étreinte des adieux… Enfin l’embarquement est terminé ; la flottille s’éloigne et disparaît derrière la pointe du promontoire. Que le Dieu des armées