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JEAN TALON, INTENDANT

plan. Il résolut de former trois bourgs dans le voisinage de Québec, et jeta les yeux sur des terres qui lui semblaient réunir toutes les conditions désirables. Mais ici se présenta une difficulté sérieuse. Ces terres se trouvaient dans les limites de la seigneurie de Notre-Dame-des-Anges, concédée aux Jésuites dès 1626, dont la possession leur avait été confirmée en 1637, et qui se composait d’une lieue de terre de front, commençant au second ruisseau au dessus de la rivière Lairet et s’étendant jusqu’à la rivière de Beauport, sur quatre lieues de profondeur. Lorsque les Pères de la compagnie de Jésus apprirent les projets de M. Talon, ils en furent naturellement alarmés, vu que leur domaine, dont ils avaient de bons et valables titres, allait se trouver considérablement morcelé et amoindri. Le 25 janvier 1666, ils présentèrent donc à l’intendant une requête exposant qu’ils possédaient cette seigneurie depuis environ quarante ans ; qu’ils l’avaient cultivée en partie avec de fortes dépenses ; qu’ils y avaient fait de grands défrichements ; qu’ils y avaient établi une centaine de colons ; qu’ils avaient pris les mesures nécessaires pour continuer à multiplier les habitations, entrant ainsi dans les intentions du roi ; que, si Talon choisissait d’autres terres que les leurs pour y établir ses villages, le progrès s’accomplirait en plus d’endroits à la fois. La requête se terminait ainsi : « Que si nonobstant nos raisons et nos prières vous persistez Monseigneur à vouloir que votre dessein soit exécuté, il vous plaira nous donner acte que ce n’est point de notre consentement que cela se fait, pour nous servir de justification envers nos supérieurs et envers l’Église, si besoin est. »

Sur réception de cette requête, Talon demanda qu’elle