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« prélude » par la simple exhalaison d’une atmosphère capiteuse, mais dire qu’il y prélude signifie qu’il ne s’y attache pas et que la dernière note doit s’éteindre avant que ne parle le premier mot.

Peut-être y avait-il moins d’arbitraire et d’infidélité à traduire par les poses plastiques d’une danseuse — après la Salomé de Richard Strauss et la danse des « sept voiles » dont la fille d’Hérodias se dépouille successivement[1] — les ingénieuses variations pour orchestre de Vincent d’Indy, Istar, inspirées d’une légende persane et où le thème, au lieu de se présenter d’abord sous sa forme intégrale pour être ensuite varié, n’arrive à la pureté de cette forme qu’après des variations dont chacune le dégage et le dénude peu à peu.

Voilà l’exemple de quelques œuvres auxquelles l’adaptation scénique confère après coup, d’une façon plus ou moins abusive, le caractère où s’attache l’idée du poème symphonique. Inversement, d’autres œuvres, conçues pour la danse ou la pantomime, allaient devenir quelquefois avec plus de raison, en passant du théâtre au concert, des « poèmes symphoniques ».

Le premier cas est celui de la Péri, « poème dansé » de Paul Dukas, créé aux Ballets russes pendant leur saison de 1912. Cette pantomime expose un argument assez amphigourique dans la manière de Saadi ou de Thomas Moore[2]. Un jeune prince persan, pour échapper au trépas qui le menace, dérobe à une péri qui la détenait la « fleur d’immortalité » (un lotus, bien entendu). Elle se met à danser pour séduire le prince et, au prix d’un frôlement de sa joue, sinon d’un baiser, parvient à récupérer le lotus magique, disparaissant aussitôt dans la lumière émanée soudain du pur calice, tandis que l’ombre du néant s’empare du prince.

Commandée par un entrepreneur de « ballets russes »,

  1. Par la date de sa composition, Istar (1897) est antérieure à Salomé (1906), qui la précède par la date de la représentation.
  2. Je ne me prononce pas sur son authenticité : jusqu’à preuve du contraire, il sent pour moi la contrefaçon.