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et se sentant les coudes, sautaient en cadence, et poussaient, du fond de leur poitrine épuisée, le nom d’Allah, mille fois répété, mais d’un ton si sourd, si caverneux, que je n’ai entendu de ma vie un chœur plus infernal : cet effroyable bourdonnement semblait sortir des profondeurs du Tartare. À côté de ces religieuses démonstrations, circulaient les musiciens et les filles de joie ; des jeux de bagues, des escarpolettes de tout genre étaient en pleine activité : ce mélange de jeux profanes et de pratiques religieuses, joint à l’étrangeté des figures et à l’extrême variété des costumes, formait un spectacle infiniment curieux, et que je n’oublierai jamais. En quittant la place, nous traversâmes une partie de la ville pour gagner notre logement.

On a dit beaucoup de mal du Caire : pour moi, je m’y trouve fort bien ; et ces rues de 8 à 10 pieds de largeur, si décriées, me paraissent parfaitement bien calculées pour éviter les trop grandes chaleurs. Sans être pavées, elles sont d’une propreté fort remarquable. Le Caire est une ville tout-à-fait monumentale : la plus grande partie des maisons est en pierre, et à chaque instant on y remarque des portes sculptées dans le goût arabe : une multitude de mosquées, plus élégantes les unes que les autres, couvertes