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Tout cela n’est rien auprès du danger qui nous eût menacés, si cette voie d’eau se fût ouverte pendant la navigation dans le grand chenal : nous eussions coulé irrémissiblement. Que le grand Ammon soit donc loué ! Pendant que nous séchions notre désastre dans la matinée du 29, j’allai visiter le grand temple d’Esné, qui, grâce à sa nouvelle destination de magasin de coton, échappera quelque temps encore à la destruction. J’y ai vu, comme je m’y attendais, une assez belle architecture, mais des sculptures détestables. La portion la plus ancienne est le fond du pronaos, c’est-à-dire la porte et le fond de la cella, contre laquelle le portique a été appliqué : cette partie est de Ptolémée-Épiphane. La corniche de la façade du pronaos porte les légendes impériales de Claude ; les corniches des bases latérales, les légendes de Titus, et, dans l’intérieur du pronaos, parois et colonnes sont couvertes des légendes de Domitien, Trajan, Antonin surtout, et enfin de Septime-Sévère, que je trouve ici pour la première fois. Le temple est dédié à Chnouphis, et j’apprends, par l’inscription hiéroglyphique de l’une des colonnes du pronaos, que si le sanctuaire du temple existe, il doit remonter à l’époque de Thouthmosis III (Moeris). Mais tout ce qui est visible à Esné est des temps modernes ; c’est un des monuments les plus récemment achevés.