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Notice

plus d’un bon livre on répétera des paroles de lui qui sont l’abrégé ou le germe d’un bon livre.

Comme la plupart des vrais amis de la liberté, il n’eut pour ainsi dire qu’à jouir pendant les deux premières années de la révolution : les intrigues de 1791, le rétablissement d’un roi fugitif & parjure, la coalition des réviseurs, le massacre du Champ-de-Mars, furent les premières douleurs des patriotes ; & il les sentit plus vivement que personne. Sa prévoyance lui montrait dans les maux présens de plus grands maux à venir : Voilà, disait-il, avec une tristesse profonde, une infâme coalition qui nous coûtera le sang de 500,000 Français. Ceux mêmes qui pensaient au fond comme lui prirent ce mot pour une hyperbole : une cruelle expérience leur en fait juger différemment aujourd’hui.

Les Jacobins étaient alors le centre de résistance du parti populaire contre celui de la Cour : ils étaient menacés, on les croyait perdus ; la salle fut bientôt déserte. Chamfort qui n’avait jamais voulu y être admis au tems de leur prospérité, se fit présenter, fut reçu, & sur-le-champ nommé secrétaire. Il en remplit assiduement les fonctions, & continua d’assister aux séances tant qu’elles furent presqu’abandonnés : il cessa d’y aller dès que la foule y revint, plus courageux contre le péril que contre le bavardage & la cohue.

Les pertes successives qu’il avait faites l’avaient mis hors d’état de garder son logement au Palais-Royal ; il en prit un moins cher rue Neuve des Petits-Champs.