Page:Chamfort - Maximes, Pensées, Caractères et Anecdotes, 1796, éd. Ginguené.djvu/34

Cette page a été validée par deux contributeurs.
xxvi
Notice

partie des forces de son ami pour accroître aux yeux du public l’opinion de ses propres forces. Chamfort eut beaucoup de part à plusieurs de ses premiers ouvrages ; & dans celui qui lui fit alors le plus d’honneur, c’est-à-dire dans son écrit sur l’ordre de Cincinnatus, les morceaux les plus éloquens sont de Chamfort[1].

Mirabeau revint en France en 1785 et continua de le voir assiduement. De grands événemens se préparaient dès-lors ; & si l’on ne peut douter de l’influence qu’eut Mirabeau sur ces événemens, on doit reconnaître quelle fut celle de Chamfort, qui en avait une si puissante sur le cours de ses pensées & sur les mouvemens de son ame. Chamfort était alors placé dans la position la plus singulière. Lié par l’amitié, par la reconnaissance, par les douceurs de la société la plus aimable avec des personnes à qui l’on imputait le désordre des affaires, & qui hâtaient par leurs dissipations la ruine du Despotisme & leur propre ruine, il l’était en même-tems avec la plupart des hommes qui se prépa-

  1. Ce fait est fort connu de ceux qui sont au courant des productions littéraires de ce tems-là. Ceux qui n’y sont pas en trouveront des preuves évidentes, dans les lettres de Mirabeau qui sont près de paraître. Il est inutile d’en multiplier ici les citations. Ce fut à Londres que Mirabeau fit imprimer ses Cincinnati, avec la traduction d’un pamphlet du docteur Price sur la révolution d’Amérique & des réflexions sur ce dernier ouvrage, qui sont en grande partie de Target. Voyez les mêmes lettres.