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Notice

mais le délabrement de sa santé continuait d’y mettre obstacle ; des guérisons apparentes se terminaient toujours par des rechûtes : il se séquestrait alors : il vivait retiré dans sa chambre : sa porte ne s’ouvrait qu’à quelques amis ; il tâcha long-temps de leur cacher sa détresse ; mais vaincu par les langueurs & l’opiniatreté de sa maladie, qui interrompant ses travaux, lui enlevait ses seules ressources, il accepta enfin quelques secours de ceux qu’il estimait le plus.

Madame Saurin, épouse de l’Auteur de Spartacus, n’avait cessé de lui prodiguer dans sa retraite, tous les soins de l’amitié la plus active. Après sa convalescence, il l’en paya par ses assiduités reconnaissantes. Parmi les liaisons qu’il forma dans sa société, il s’attacha sur-tout à l’abbé de La Roche[1], homme de lettres sans prétention, philosophe sans esprit de parti, ancien & intime ami d’Helvétius qu’il venait de perdre il y avait peu de tems, & qu’il regrette encore.

La Roche savait Chamfort malheureux, & l’espoir de lui être utile lui fit désirer de le connaître. Mylord Huntingdon[2], après la mort d’Helvétius, dont il était aussi l’ami, lui avait offert 40 mille francs, qui devaient être déposés chez un notaire, pour prix du sacrifice de deux années employées à voyager agréablement en Italie, avec deux jeunes Anglais déjà très-bien élevés. Chamfort paraissait à La Roche plus propre que lui-même à remplir les intentions de Mylord. Le léger sacrifice qu’exigeait cet arrangement, n’était rien au prix des avantages qu’il promettait ; mais Chamfort

  1. Martin Lefebvre de La Roche (1738-1806), ancien bénédictin sécularisé par un bref de Rome. (Note wiki)
  2. Francis Hastings, 10e comte de Huntingdon (1728-1789), conseiller privé, premier gentilhomme de la chambre du Roi. (Note wiki)