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de l’amour, etc.

que nous avons perdu & nous donne ce que nous n’avons pas ?

Quand un homme & une femme ont l’un pour l’autre une passion violente, il me semble toujours que, quelque soient les obstacles qui les séparent, un mari, des parens, &c. les deux amans sont l’un à l’autre, de par la Nature, qu’ils s’appartiennent de droit divin, malgré les lois & les conventions humaines.

Ôtez l’amour-propre de l’amour, il en reste très-peu de chose. Une fois purgé de vanité, c’est un convalescent affaibli, qui peut à peine se traîner.

L’amour, tel qu’il existe dans la Société, n’est que l’échange de deux fantaisies & le contact de deux épidermes.

On vous dit quelquefois, pour vous engager à aller chez telle ou telle femme, elle est très-aimable : mais si je ne veux pas l’aimer ! Il vaudrait mieux dire, elle est très-aimante, parce qu’il y a plus de gens qui veulent être aimés, que de gens qui veulent aimer eux-mêmes.

Si l’on veut se faire une idée de l’amour-propre des femmes, dans leur jeunesse, qu’on en juge par celui qui leur reste, après qu’elles ont passé l’âge de plaire.