Les Magistrats chargés de veiller sur l’ordre public, tels que le Lieutenant criminel, le Lieutenant civil, le Lieutenant de police, & tant d’autres, finissent presque toujours par avoir une opinion horrible de la Société. Ils croient connaître les hommes & n’en connaissent que le rebut. On ne juge pas d’une ville par ses égouts, & d’une maison par ses latrines. La plûpart de ces Magistrats me rappellent toujours le collège où les Correcteurs ont une cabane auprès des commodités, & n’en sortent que pour donner le fouet.
C’est la plaisanterie qui doit faire justice de tous travers des hommes & de la Société. C’est par elle qu’on évite de se compromettre. C’est par elle qu’on met tout en place sans sortir de la sienne. C’est elle qui atteste notre supériorité sur les choses & sur les personnes dont nous nous moquons, sans que les personnes puissent s’en offenser, à moins qu’elles ne manquent de gaîté, ou de mœurs. La réputation de savoir bien manier cette arme donne à l’homme d’un rang inférieur, dans le monde & dans la meilleure compagnie, cette sorte de considération que les militaires ont pour ceux qui manient supérieurement l’épée. J’ai entendu dire à un homme d’esprit : Ôtez à la plaisanterie son empire & je quitte demain la Société. C’est une sorte de duel