Page:Chamfort - Maximes, Pensées, Caractères et Anecdotes, 1796, éd. Ginguené.djvu/13

Cette page a été validée par deux contributeurs.
v
sur Chamfort.

quelques-uns de ses camarades qui éprouvaient le même attrait sans avoir le même talent & le même goût ; ceux entr’autres d’un certain Fontaine-Malherbe, jeune homme d’un esprit bizarre, qui se disait descendant du poëte Malherbe, & qui a laissé quelques pièces de vers qui ne sont pas sans énergie & sans verve.

Nicolas était alors abbé : c’était un costume & non pas un état. On le pressait de prendre sérieusement son parti ; il répondit à M. d’Aireaux, Principal des Grassins : « Je ne serai jamais prêtre ; j’aime trop le repos, la philosophie, les femmes, l’honneur, la vraie gloire ; & trop peu les querelles, l’hypocrisie, les honneurs & l’argent. »

Les secours qu’il trouvait dans la bourse de quelques amis riches, ne lui faisaient pas autant de bien que leur société libertine & dissipée lui faisait de tort. Ayant définitivement abandonné ce collège, jetté sans fortune & sans appui dans le monde, il se trouva bientôt réduit à l’état le plus misérable : il ne subsistait que de son travail pour quelques journalistes, & ce qui est plus plaisant, pour quelques prédicateurs. Le premier ouvrage utile qui lui fut confié par des libraires fut le Vocabulaire Français : plusieurs volumes sont entièrement de lui. Il ne cessait point pour cela de cultiver son talent poëtique. Il avait commencé la Jeune Indienne, & l’Épître d’un Père à son Fils. Son caractère luttait contre sa position ; & loin de se laisser abattre, il se nourrissait des espérances les plus heureuses : « Vous me voyez bien pauvre-diable, disait-il un jour