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des grands, etc.
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c’est dommage qu’il soit si peu favorisé de la fortune. Que dites-vous ? reprend un autre. C’est que sa modestie l’oblige à vivre sans luxe. Savez-vous qu’il a vingt-cinq mille livres de rente ? — Vraiment ! — Soyez en sûr, j’en ai la preuve. Qu’alors cet homme de mérite paraisse, & qu’il compare l’accueil de la société & la manière plus ou moins froide, quoique distinguée, dont il était reçu précédemment. C’est ce qu’il a fait : il a comparé, & il a gémi. Mais dans cette société, il s’est trouvé un homme dont le maintien a été le même à son égard. Un sur vingt, dit notre philosophe : Je suis content.

Quelle vie que celle de la plûpart des gens de la cour ! Ils se laissent ennuyer, excéder, avilir, asservir, tourmenter pour des intérêts misérables. Ils attendent pour vivre, pour être heureux, la mort de leurs ennemis, de leurs rivaux d’ambition, de ceux mêmes qu’ils appellent leurs amis, & pendant que leurs vœux appellent cette mort, ils sèchent, ils dépérissent, meurent eux-mêmes, en demandant des nouvelles de la santé de M. tel, de Madame telle, qui s’obstinent à ne pas mourir.

Quelques folies qu’aient écrites certains physionomistes de nos jours, il est certain que l’habitude de nos pensées peut déterminer quelques traits de notre physionomie. Nombre de courtisans ont l’œil faux