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maximes

comme dangereuses & trop hardies, sont depuis devenues communes, & presque triviales, & ont descendu jusqu’à des hommes peu dignes d’elles. Quelques-unes de celles à qui nous donnons le nom d’audacieuses seront vues comme faibles & communes par nos descendans.

J’ai souvent remarqué dans mes lectures, que le premier mouvement de ceux qui ont fait quelque action héroïque, qui se sont livrés à quelque impression généreuse, qui ont sauvé des infortunés, couru quelque grand risque & procuré quelque grand avantage, soit au public, soit à des particuliers, j’ai, dis-je, remarqué que leur premier mouvement a été de refuser la récompense qu’on leur en offrait. Ce sentiment s’est trouvé dans le cœur des hommes les plus indigens & de la dernière classe du Peuple. Quel est donc cet instinct moral qui apprend à l’homme sans éducation que la récompense de ces actions est dans le cœur de celui qui les a faites ? Il semble qu’en nous les payant, on nous les ôte.

Un acte de vertu, un sacrifice ou de ses intérêts ou de soi-même, est le besoin d’une ame noble, l’amour-propre d’un cœur généreux, &, en quelque sorte, l’égoïsme d’un grand caractère.