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DE CHAMFORT. 247

sieur , je ne veux point être emprisonné. » Mon guide ne put s'empêcher de rire de ma terreur. « Fuyez donc, me dit-il, et craignez que ma mai- tresse ne vous voie. — Quelle étrange idée ! Crai- gnez-vous qu'elle ne me prenne pour un des objets de son caprice ? — Pourquoi non ? — Mais, mon- sieur , d'où vient n'avez-vous pas cette crainte pour vous-même? — Elle m'a vu, croit me connaître .• et c'est assez pour elle. Mais vous êtes pour ses yeux un objet nouveau, il n'en faut pas davantage.

— Soyez tranquille ; je veux la voir , et la verrai sans être aperçu. — Mais savez-vous qu'on se fait souvent une peine de ne pas l'être ? — Pour moi , je ne m'intéresse pas aux chagrins de cette espèce.

— Vous êtes ini philosophe , je le vois ; et ce que j'aime encore mieux , un philosophe gai ; mais , après tout, seriez-vous le premier sage qui eût été pris à ce piège ? — Non , mais je ne serais pas non plus le premier qui s'en fût garanti. — J'entends : vous voulez risquer l'aventure , pour avoir Ihon- neur attaché au triomphe d'un refus. — Peut-être ne suis-jepas insensible à cette gloire : je suis jeune encore ; il faut me pardonner ce petit amour propre. — Jeune sage, prenez garde, me répliqua mon guide:

Affronter la tentation , C'est manquer de philosophie ; La sagesse veut que l'on fuie ; Mais de la cour, hélas ! l'uit-ou , Sinon quand le roi vous en prie ?»

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